Denis Bourges
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  • Cathédrale (France, 2015)

    « Leurs silhouettes massives redessinent le paysage comme autant de repères au détour des routes de campagne. L’édification des silos à grains a correspondu en Bretagne à la révolution agricole. Après la seconde guerre mondiale, il s’agissait d’impulser un essor économique à une région rurale très en retard en matière de productivité. Le résultat ne s’est pas fait attendre, remembrement massif, destruction des haies et talus pour offrir de grands plateaux accessibles aux nouvelles machines agricoles achetées en coopératives. Une fois le bocage démantelé, de gigantesques greniers à grains destinés à nourrir le bétail ont fait leur apparition sur le territoire breton. Ces constructions industrielles érigées au beau milieu des champs ont redéfini le territoire en s’imposant comme un signal fort de modernité assumée. Aujourd’hui les bâtiments ont vieilli et les silos sont entrés dans le Patrimoine.

    Lorsque Denis Bourges est revenu sur sa terre natale après ving-cinq ans passés à la ville, son regard s’est trouvé happé par ces monstrueux monuments qui concurrençaient les clochers des villages. Le photographe a arpenté la campagne du centre de la Bretagne, à la recherche de ces figures isolentes qui l’interrogeaient. Avant lui, ces cathédrales de béton venues des Etats-Unis ont inspiré les architectes modernistes du début du XXeme siècle. Gropius, Le Corbusier ont reconnu dans ces formes brutales et monumentales la forme d’un équilibre parfait , l’expression d’un ordre primitif et grandiose. Une vision sans doute un peu excessive de l’époque mais qui révolutionnait le regard. La vocation utilitaire et exemplaire des bâtiments évoque l’architecture mussolinnienne dans sa volonté de dominer le paysage et de lui donner une fonction. Depuis l’école photographique de Düsseldorf initiée par les Becher et leur inventaire objectif du bâti industriel, de nombreux photographes se sont inscrits dans ce sillon. Les images de Denis Bourges sont plus sentimentales que celles de ses confrères allemands. Empreintes de souvenirs , la terre et ses champs font la part belle aux édifices. On le sent chez lui, Il n’adopte pas de systématisme de prises de vues, il se laisse plutôt surprendre au détour d’un virage. Ces apparitions s’inscrivent dans le paysage en un trait puissant. Cathédrales de l’industrie agro alimentaire, ces monuments impériaux convoquent ses souvenirs d’enfant quand les chemins se perdaient encore au cœur du bocage. La sacralité des édifices est devenue païenne et dédiée à la gloire de la productivité. »

    Isabelle Stassart