Projets Collectifs
Fragiles
2022
Fragiles est un choeur composé de seize voix, seize récits photographiques. Croisant documentaire et chimères, illusions et questions, cet ensemble dresse un panorama sensible d’interrogations sur un monde devenu plus que jamais vulnérable et incertain.
« C’est déjà raté faut-il se dire et avancer à travers les ronces de la mémoire. S’écharper à chaque pas pour retrouver dans le charbon nos alphabets brisés qui servaient à écrire les prénoms aimés. Il faut marcher longtemps sous la pluie pour connaître la valeur d’un toit, tendre la main au désert pour éprouver le manque d’un ami, douter de son courage pour ressentir la brûlure de la dignité. Et dans ce paysage où sourd le chagrin, avancer sans savoir où l’on va, avancer pas à pas, entre les ronces et les orties, à travers un dédale de toiles tendues par les belles épeires diadèmes. Aussi effrayantes qu’inoffensives, ces araignées-là tissent des toiles immenses. Il faut alors se baisser, se relever, zigzaguer entre elles pour n’en défaire aucune tant ces arachnides sont incapables de réparer la moindre déchirure à leur arantèle. Un seul fil brisé et voici qu’ils doivent ravaler leur soie et reprendre dès le début le tissage de leur toile. Pour eux, comme pour nous, tout ne tient qu’à un fil. »
Wajdi Mouawad. Extrait de la préface du livre Fragiles (éditions Textuel, 2022)
« (…) Fragiles est un récit polyphonique hanté par la disparition, du monde, des autres, de soi, mais aussi structuré intimement par la possibilité de croire encore, par-delà et avec la mélancolie, à la merveille d’être, aux beautés de l’existant. » Fabien Ribéry (L’Intervalle, 2022)
Projet réalisé avec le soutien de Fujifilm, du ministère de la Culture et de la SAIF (Société des auteurs des arts visuels et de l’image fixe).
PASCAL AIMAR
La Vie de ma mère
Elle avait réussi à garder son autonomie malgré une vue défaillante, vivait seule dans son appartement en proche banlieue. Les confinements successifs, les pertes de mémoire, en plus de la vue et l’ouïe, l’ont conduite inexorablement vers un monde flou et silencieux. Désormais elle vit dans une maison de retraite en Auvergne. C’est trop calme pour elle mais elle reconnaît qu’elle n’est plus capable de vivre seule.
DENIS BOURGES
Expire
Réchauffement de la planète, montée des eaux. Notre monde surchauffe, sa peau s’assèche, se craquèle, se strie, elle étouffe sous le poids des polymères. 2019 : Rébellion Internationale d’Octobre. Des militants d’Extinction Rebellion bloquent les abords de l’Assemblée nationale. Ils font corps, ils combattent, ils alertent en se couvrant le visage de cellophane : asphyxie.
GILLES COULON
Outrenuit
Prendre le contre-pied des lieux communs qui condamnent l’Afrique à la lumière, à un zénith perpétuel. Photographier la nuit dans ce quartier de Guet Ndar à Saint-Louis du Sénégal, dire l’évidence que l’on ne voit pas. Grâce à des points de lumière souvent discrets et furtifs, sonder les profondeurs du noir, son opacité, sa transparence, ses couleurs et même parfois sa clarté. Raconter la nuit, chercher dans l’ombre les vérités d’une obscurité primitive.
GRÉGOIRE ELOY
De Glace
Nous ne sauverons pas les glaciers, leur fin est programmée. Malgré notre savoir, notre volonté, malgré l’admiration et le respect que leur beauté effrayante impose. Ils se rétractent depuis la fin du XIXe siècle, et les parties basses, exposées à la fonte, disparaissent sous la poussière grise des moraines. Sous le regard des scientifiques, un nouveau paysage voit le jour, géologique, inerte et immuable, sculpté par le passage de la glace.
MAT JACOB
Valparaíso - Atacama
Si tu donnes du temps au vent, il va te caresser jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien. Il façonne les arbres et la pierre, le capital, les empires et les ambitions vaines. Même l’eau vient à bout de la roche. Même l’acier rompt sous la caresse de l’air. Tout est fragile. Ici au Chili, ce qui se dessine dans les pupilles brille d’un désir de dire et de vivre. Dans le fond des yeux, une étincelle, une poussière donnent à voir le monde dans son immensité.
YOHANNE LAMOULÈRE
L'Île
L’Île est un rêve qui se joue dans les bras fantômes du Rhône, sur un bout de terre minuscule, au coeur d’une région sacrifiée où la pollution et le taux de cancer dépassent la raison. Sans électricité ni eau potable. Entre figure de peste, animaux sauvages et cabanes vaincues par la mangrove, l’endroit apparaît cependant familier. L’Île est partout parce que l’insularité est transposable à l’échelle d’une ville, d’une famille, d’une maison ou d’un corps. Elle nous livre les images d’un conte régi par d’autres lois.
PHILIPPE LOPPARELLI
Derniers contes de Noël
Au nord de la Roumanie au coeur de l’hiver, dans les régions du Maramureș, de la Bucovine, jusqu’en Moldavie, subsistent les traces de fêtes traditionnelles, comme un fil ténu reliant passé et présent, consistant à chasser les mauvais esprits avant la nouvelle année.
BERTRAND MEUNIER
Refuge
Quitter en urgence Paris et rejoindre le Pays basque avant que le rideau du confinement ne tombe. Traverser l’Hexagone dans un sentiment d’exode et d’inconnu, en état de sidération sur une autoroute muette. Permettre ainsi aux adolescents d’apprivoiser leurs angoisses dans le paysage merveilleux qui s’étend autour de la maison familiale, malgré ce virus capricieux aux noms étranges, qui nous fait douter et trébucher.
MEYER
Funambule
Nous savons succomber au songe, cette réalité de chaque nuit, de chaque sommeil. Nous aimons revêtir le manteau du rêve d’envol de l’enfant et jouer de la pesanteur comme si cela était notre nature, notre vérité. Recroquevillés, nous embrassons le pouvoir de transformer la prison en vaisseau, de nous élever ou de chuter, de naviguer dans les strates abolies du ciel. Ivres d’éther, encore plus haut avant que la fatalité du réveil ne sonne la fin du sortilège.
FLORE-AËL SURUN
Les Quatre Directions
Les traditions autochtones et les sagesses ancestrales ont porté à travers les âges des rituels de connexion à la Terre, au sacré. Des femmes et des hommes réempruntent ces chemins mystiques, les faisant leurs, et réinventent les cérémonies de nos ancêtres druides et sorcières. Guidés par le monde des esprits, ils explorent ainsi pas à pas un nécessaire réenchantement du monde.
PATRICK TOURNEBŒUF
Fragment d'un paysage miné
En deux siècles d’exploitation charbonnière, le territoire du bassin minier de Lens s’est forgé sur une réalité géologique, créant une puissante identité économique, urbaine et humaine. Cette terre est désormais tiraillée entre l’héritage du passé et les tentatives pour sortir de l’histoire de l’après-charbon. Restent des stigmates, telles des cicatrices dans la mémoire des femmes et des hommes restés sur place.
CATY JAN
Instants
Caty participe à toutes les aventures du collectif Tendance Floue dans la passion et les excès jusqu’en 2003, année où un accident cérébral la stoppe dans son élan créatif. Elle perd l’usage de la parole et ne photographie plus. Elle vit aujourd’hui en colocation dans un centre adapté. Nous avons souhaité faire son portrait, conscients des limites de l’exercice.
ALAIN WILLAUME
Donjons et mer Morte
Les berges mutiques de la mer Morte semblent dormir dans leur gangue minérale. S’évanouissant peu à peu, étouffée par la maltraitance des hommes qui lui ont confisqué jusqu’aux eaux du Jourdain, elle n’est plus que murmures. Déjà morte par son nom, cette mer hantée est en sursis, comme si elle préfigurait le désastre qui nous guette. Le territoire géopolitique qui l’enserre semble n’exister que par défaut, entre surveillance et ressentiment, dessiné par ses bords tranchants, ses tours de guet et ses dispositifs sécuritaires.
JEAN-CHRISTIAN BOURCART
Exil blanc
Flottant dans une mer blanche, des migrants en route vers des destins incertains passent des frontières, s’acheminent, s’échouent. Nul point de référence, le drame est partout le même. Un déplacement s’opère, d’une réalité qu’on ne connaît que trop vers un espace mental, imaginaire. Un espace blanc comme des trouées qui renvoient à la disparition des sujets, qui désignent l’énormité du réel dont on ne saura jamais rien.
Livre
FRAGILES (éditions Textuel, 2022)
« Porter la puissance de la fragilité contre la férocité du pouvoir. » Wajdi Mouawad
Photographies : Tendance Floue
Préface : Wajdi Mouawad
Conception graphique : Agnès Dahan Studio
Nombre de pages : 192 pages
Format : 20 x 26,5 cm
Prix : 45 euros
Exposition
Historique de présentation
Quinzaine photographique nantaise (France) / 2023
Rencontres d'Arles / Fondation Manuel Rivera-Ortiz (France) / 2022
Festival l'Image Satellite (Nice, France) / 2022
Festival ImageSingulières (Sète, France) / 2022
Infos et conditions de location : tf@tendancefloue.net / +33 (0)1 48 58 90 60